SOLVE ET COAGULA, QUESACO ?

Solve et coagula, c’est la formule latine alchimique que j’ai choisie en guise de préambule à mes accompagnements et que j’ai affichée sur la page d’accueil de mon site. La traduction littérale en est « dissous et coagule », que j’ai retranscrit par « clarifie et intègre ».

 

Cela vous semble mystérieux au point d’en perdre votre latin et de vous disperser dans les méandres sinueux de l’esprit obscurci ? Alors restez là, présents, attentifs. Lisez ce qui va suivre et qui devrait vous permettre de vous rassembler, à la clarté flamboyante du cœur.

 

À l’origine, cette expression est employée par les alchimistes qui œuvrent à transformer le plomb en or, dans l’athanor. C’est un processus de sublimation de la matière, qui s’applique en réalité à notre corps physique, sublimé à la lumière du cœur et de l’esprit.

 

Les sagesses orientales s’y réfèrent à leur manière, comme le Traité taoïste du Secret de la Fleur d’Or de Lu Tsou ou les yoga méditatifs tibétains qui proposent, à la lueur de l’esprit, de dissoudre la matière du corps pour qu’il devienne vide et baigné de lumière, car c’est à cet endroit de pure présence que la magie de la transformation opère.

 

Notre corps est l’athanor, le chaudron, le creuset, dans l’intimité duquel la matière œuvre jusqu’à en voir jaillir la lumière incandescente, dans le cœur. C’est ce que les taoïstes nomment la révolution de la lumière, qui nous relie entre Ciel et Terre.

 

Au cours de notre cheminement intérieur, nous descendons en nous-même tel le fil à plomb qui invite à l’introspection. Nous pouvons laisser de côté la vue physique des yeux pour ouvrir le regard intérieur, celui du cœur. Alors nous devenons le témoin privilégié de notre propre ouvrage, où tout est mouvement incessant, où tout est éternellement vivant, décomposé et recomposé, entre déséquilibre et équilibre.

 

Le philosophe grec Anaxagore écrivait dans ses Fragments au Ve siècle avant notre ère : « Rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau. »

 

Tout cela converge vers la même idée que tout est déjà là, en nous, sans que nous ayons besoin de quérir un quelconque trésor à l’extérieur.

 

Solve et coagula est alors une invitation à plonger en nous-même pour nous rencontrer au cœur de notre vérité propre et naviguer jusque dans les recoins obscurcis de notre être pour voir vraiment et clarifier ce qui a besoin de l’être pour notre évolution personnelle.

 

J’en viens donc à la première étape, solve : dissoudre, c’est aussi diluer, éclaircir, clarifier, disperser, éparpiller, déconstruire, désintégrer, décomposer, putréfier, désagréger. Il y a l’idée de mourir à soi-même pour naître autrement. Il y a l’idée de mouvement et de circulation des particules les plus élémentaires de la matière, à partir de ce qui existe déjà et qui est amené à être vu différemment, sous une perspective nouvelle et dans une forme nouvelle pas encore éclose.

 

Alors, c’est d’observer en nous-même, avec la clarté de la conscience, les mouvements intérieurs, les émotions, les humeurs, les ressentis physiques dans le corps-matière, et d’ouvrir l’espace du non-agir (le wu-wei des taoïstes), qui par l’écoute silencieuse et créatrice de la pure présence, laisse advenir l’être au monde, sans rien forcer, sans réfléchir. Cela se passe, simplement.

 

La phase de dissolution créé l’espace interstitiel de l’entre-deux. Nous avons accès à cet espace infime autant qu’essentiel entre l’inspir et l’expir, à l’aube et au crépuscule entre la nuit et le jour, entre le jour et la nuit, entre le dehors et le dedans, entre le microcosme et le macrocosme, entre les sens physiques et les sens subtils. C’est un glissement fin aussi puissant que léger entre ce qui s’expanse et se rétracte, entre ce qui se dissout et coagule tour à tour.

 

Puis vient coagula, la coagulation, phase où la matière sombre, enrichie de la lumière (l’or), peut se composer autrement. C’est une intégration et une compréhension dans le sens où comprendre, c’est inclure et c’est aimer. Tout se rassemble, se redensifie, s’unifie d’une manière inédite pour laisser place à un être renouvelé et sublimé à partir des éléments qui le composaient déjà et qui viennent s’agencer autrement. Une nouvelle partition musicale peut se jouer, à la clarté d’une conscience nouvelle et en perpétuel mouvement. Car rien, jamais, n'est acquis.

 

Clarifie et intègre, telle est la danse éternelle du vivant qui n’attend que la conscience et le cœur pour transformer ce qui demande à l’être en y donnant du sens et de la valeur, en somme notre vérité personnelle, celle qui est en adéquation avec l’essence de notre être profond, pour notre propre bien et pour celui de l’humanité toute entière.

 

C’est aussi, à l’échelle cosmique, la danse de la Conscience universelle qui nous relie tous et nous permet de goûter à la liberté et à la paix des liens fraternels, avec l’illusion de séparation et de dualité entre les êtres qui engendre nos conflits intérieurs autant que les guerres dans le monde. Parce-que nous oublions que la Conscience universelle est présente en toute chose, partout et en tout temps, y compris dans les phases de chaos et de recomposition du monde.

 

L’enjeu crucial de notre époque est donc de parvenir à vivre les processus de dissolution, de chaos et de tumulte au-dedans de nous et en-dehors de nous, dans la paix, l’harmonie, l’amour et la lumière, grâce à l’intelligence du cœur et au pur amour de la Conscience universelle, tant pour nous-même que pour le monde. La mer peut être agitée en surface, nous faisant vivre les pires tempêtes, les raz-de-marée et les courants contraires, tout en étant soutenue dans le même temps par le fond de l'océan qui lui, reste parfaitement paisible.

 

Ce qui se vit à l’intime de notre cœur ne peut plus être dissocié du devenir de la marche collective du monde. Prendre soin de soi aujourd’hui implique la conscience de prendre soin de l’humanité toute entière, pour donner corps à la fraternité.

Écrire commentaire

Commentaires: 0