SE POSER ET SE DÉPOSER

Depuis que j'exerce mon activité en tant qu'indépendante, je mesure à quel point c'est précieux de pouvoir me respecter plus aisément dans mes rythmes et mes humeurs que lorsque je travaillais au sein d'une administration hiérarchisée, qui me donnait un cadre imposé, un cadre hermétique contre les parois duquel je me heurtais et dans lequel je me sentais enfermée. Parce-que je n'arrivais pas à être pleinement moi dans ce contexte sous-pression où il faut toujours aller plus vite et être rentable.

 

S'écouter et se respecter dans ses besoins, cela demande de la rigueur,  et beaucoup d'humilité pour accueillir aussi les discours de l'ego qui ramènent à la surface les peurs et les injonctions sociétales. Pour autant, je me sens bien avec ça, c'est dans mon tempérament, je n'ai jamais aimé la routine. L'enjeu est de pouvoir être soi, de devenir pleinement authentique, sans s'extraire du monde ni du système. Être attentive à chaque instant à ce qui m'anime, me traverse, me meut, intérieurement et extérieurement - cela est devenu ma boussole intérieure, celle avec laquelle j'oriente mes actes et mes choix.

 

De cette manière, je suis au plus près de la vie qui parcourt chacune de mes veines, fait crépiter chacune de mes cellules, informe mes organes et me délivre les messages nécessaires à la compréhension de mon actualité du moment, en lien et en reliance avec le monde qui m'entoure. Le corps est pareil à un instrument de musique : il a besoin d'harmonie et demande à être accordé régulièrement pour vibrer avec justesse.

 

Ainsi, j'aime ce temps de l'automne, qui nous invite à nous poser et à nous déposer, à prendre le temps : 

- nous poser en ralentissant notre cadence quotidienne pour libérer de l'espace en soi et respirer l'éloquence du silence, celui du brouillard au petit matin ;

- nous déposer en sentant que c'est le moment de ne plus retenir ce qui n'a plus lieu d'être, de laisser retourner à la terre ce qui est devenu obsolète et caduque, à l'image de l'arbre dont les feuilles se détachent et s'envolent, sereines et légères dans le vent, avant de rejoindre l'humus et de le nourrir. 

 

La porte de l'intériorité et de la transformation s'entrouvre doucement, sans que le temps soit encore venu d'en franchir le seuil. Telle une migration à l'intime de soi, les énergies, pour voyager et changer de destination, ont besoin de s'alléger pour amener de nouvelles perspectives existentielles : en rentrant davantage dans le terrier nourricier de mon coeur et de mon ventre, dépouillée et nue, j'accède au creuset alchimique de la matrice, en résonance avec le macrocosme. Là je peux me déposer en confiance, retrouver mes racines, en créer de nouvelles, et intégrer le monde qui bientôt sera en gestation.

 

 

Je comprends peu à peu que l'éveil n'est sans doute pas une quête, comme on peut le lire souvent. Je ne le ressens pas comme un but ultime à atteindre, qui serait au-dessus de tout le reste selon une perception exclusive, mais bien comme l'intégration totale de l'ensemble des éléments qui composent l'univers, dans une perception inclusive. C'est là que je ressens la paix et l'amour : dans cet espace où je peux accueillir toutes mes parts et celles de l'autre, tout en exprimant mes limites. Et de danser sur la vague de la compréhension que tout ce qui semble être en-dehors de moi fait aussi partie de moi. Alors je peux relâcher les tensions et la pression, pour être, en toute simplicité, au cœur de la complexité du vivant. Je ne recherche pas l'éveil comme un état qui serait en-dehors du monde, j'ai simplement envie de vivre pleinement notre humanité, avec une conscience et une perspicacité sans cesse renouvelées et revisitées.

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